Découvrez les sept créations – textes, vidéos et plages audio – réalisées dans le cadre d’une « résidence à domicile », au printemps 2020, sur le thème Imaginer l’après.

Attachez la ceinture de votre capsule temporelle, les auteurs et autrices vous entraîneront une minute, une journée ou cent ans dans les méandres de leur après.

Le livret contenant tous les textes est disponible en téléchargement gratuit.

« Il m’a toujours été difficile de me projeter. J’ai toujours été du genre à vivre dans le moment présent.
Quand il a fallu nous réfugier dans les abris, je n’ai pas rouspété. J’ai choisi d’aborder les choses une à la fois… cela ne m’a pas été difficile, c’est ce que j’avais fait durant toute mon existence. Je me suis fait une vie, là-dessous, pendant que la planète se refaisait une beauté, à la surface. »

« à la tombée du jour
des voix s’élèveront en récits
pour apaiser le bruit du vent
pour boucher les trous de l’amnésie
pour remodeler les probables
nous serons nombreux
cramés autour du poêle
car personne sera obligé de rester
dans l’embrasure de la porte »

Prise de parole · Premier quart – Charles-Étienne Ferland

« Les protocoles de biosécurité ne sont pas près de disparaître. J’ai arrêté d’espérer un retour à la normale. En voiture, je passe au contrôle de bien-être. Je baisse la fenêtre et une machine prend ma température. On me tend un coton-tige, je procède à la culture nasale supervisée et dépose le bâtonnet dans le récipient de la borne automatisée. Ma plaque d’immatriculation est prise en photo – autorisation de circuler validée au passage – et je recevrai un texto dans les soixante minutes pour me dire, sûrement, que je ne présente aucun symptôme. Si elles me conviennent, les mesures? À vrai dire, je suis tellement fatigué en ce moment que je ne sais pas quoi en penser. Auto. Boulot. Dodo. Et ça recommence. »

« Le lendemain ne pouvait pas venir assez vite. Au bout du chemin, tu retrouverais le vertige de te balancer, les pieds pointant vers les champs et les boisés. Les mains de ta grand-mère te pousseraient doucement dans le dos, t’offrant chaque fois un bref moment d’envol et de complicité. Complicité mainte fois renouvelée au cours de la journée dans la création de châteaux de sable éphémères, dans la recherche de la prochaine pièce d’un casse-tête, dans le partage d’un thé imaginaire sur la petite table de bois usée d’un solarium inondé de soleil. Il y aurait aussi ce film que tu partagerais avec elle, celui dont tu t’es régalée si souvent, et qu’elle n’a pas encore vu. Tu lui apprendrais toutes les chansons et vous les chanteriez doucement, après un bain de mousse dont les bulles monteraient jusqu’à t’en chatouiller les oreilles, avant de t’endormir dans ses bras. Elle te l’a promis, elle se l’est promis à aussi. »

«Je ne vais pas mentir : j’aimais que le confinement se prolonge. Pas de retour au travail en mai? Parfait. J’allais réviser mon manuscrit. Rembourser une partie de mes cartes de crédit en attendant de devoir reprendre mes activités « normales ». Créer en attendant de retrouver mon gagne-pain sans gluten.»

« après
demain
serons-nous
encore là ?

dans l’étreinte
de nos écrans

de nos yeux
et de nos corps
numériques. »

Prise de parole · Nous fraierons cash – Éric Charlebois

« nous aurons mué
nous découperons nos cartes en plastique
nous ferons des notes IOU avec nos poèmes d’amour
nous ferons une nappe en courtepointe avec nos bilans hypothécaires et notre déclaration de revenus
nous danserons en faisant le train serpentant à travers les allées des grands magasins des boutiques des restaurants des parcs et des
arcs-en-ciel épiques craies pastel sur asphalte pixelisé
à l’algorithme d’un
nouveau pouls soumis à
l’osmose
pèlerinage périlleux vers la table de nos proches
lointains
nous paierons cash »



Un projet réalisé avec l’appui financier d’Ontario Créatif.